Pardon à Jean-Michel Baylet d'avoir indiqué "Primaire PS" et non "Primaire citoyenne", c'est juste pour une question de référencement. Je le rappelle donc, Jean-Michel Baylet appartient aux Parti radical de gauche et non au Parti Socialiste. C'est dit.
Jean-Michel Baylet
Je demande à nouveau pardon à Jean-Michel Baylet, cette fois-ci pour l'avoir écouté distraitement. J'ai eu le plus grand mal à me concentrer sur ses propos. Je ne pouvais m'empêcher de penser que sa voix m'évoquait celle de Charles Pasqua. Quoique... non, Pasqua est plus rocailleux... Mais il y a quand même quelque chose dans le phrasé et... Hein, quoi ? Qu'est-ce qu'il a dit ? Oups !
J'ai quand même noté que Baylet voulait relancer l'Europe et rassembler la France. Avant d'approuver, je voudrais savoir ce qu'il entend par là, comment il compte s'y prendre. Sarkozy s'est souvent montré clivant, mais il n'a pas été le seul. J'en connais qui dressent les employés contre les patrons, les clients contre les banquiers, etc. L'idée de rassembler la France me plait, mais j'aimerais être sûre que Jean-Michel Baylet et moi sommes d'accord sur le concept. Idem pour la relance de l'Europe !
Jean-Michel Baylet évoque aussi une gouvernance économique de l'Europe. Je lui suggère de lire les journaux, la France a déjà annoncé qu'elle ferait cette proposition au prochain conseil européen (17 et 18 octobre).
Enfin, Baylet envisage de plafonner les allocations familiales. Effectivement, quand on gagne 30 000 € par mois, quelques centaines d'euros d'allocations semblent superflues, voire indues. Plus concrètement, il faudrait savoir où Jean-Michel Baylet situe le plafond et quelles économies, ça représenterait.
Arnaud Montebourg
Arnaud Montebourg démarre très fort, trop ? Il veut que l'État entre dans les conseils d'administration des banques, ira-t-il jusqu'à les nationaliser ? Il veut rapatrier l'argent caché dans les paradis fiscaux, ira-t-il le chercher avec les dents ? Il veut engager la démondialisation, sait-il que les saumons meurent de nager à contre-courant ?
Entrer au conseil d'administration des banques... Pour cela, l'État va devoir acheter des actions, ça va coûter cher et ce n'est vraiment pas compatible avec la nécessité de réduire les dépenses publiques, mais ça fait tellement plaisir à la gauche de la gauche... Et puis, ce n'est pas comme si Lionel Jospin avait privatisé le CIC et le Crédit Lyonnais, montrant ainsi à quel point même un ancien trotskiste peut trouver la présence de l'État inopportune au sein des banques.
Pour soutenir son projet de démondialisation, Arnaud Montebourg n'hésite pas à exagérer les mesures prises par les autres pays. Le détecteur de mensonges du JDD a d'ailleurs épinglé Montebourg sur ce soi-disant nouvel élan protectionniste. Le député de Saône-et-Loire veut faire croire qu'il est possible de revenir au bon vieux temps, quand les banques n'étaient encore que de petits guichets locaux, quand les échanges commerciaux se faisaient à l'intérieur d'un même département, quand on pouvait raisonnablement espérer garder son emploi à vie, etc... Dit comme ça, c'est vrai que c'est tentant. Irréaliste mais tentant.
Arnaud Montebourg semble faire fi de tous les accords internationaux. Croit-il vraiment qu'on peut rompre tous ces contrats rapidement et sans casse ? Sait-il combien d'entreprises françaises ne vivent que grâce à la mondialisation ? Quant aux Français les plus pauvres, s'ils peuvent s'acheter des vêtements et des meubles à très bas coût, c'est grâce à la mondialisation. Certes, les travailleurs étrangers payent parfois cher pour cela et, d'ailleurs, de nombreux organisations veillent à rétablir un équilibre des profits. Cependant, quand il aura démondialisé la France, que nous serons en autarcie totale ou presque, brouillés avec nos voisins comme avec l'autre bout de la Terre, comment nous défendrons-nous ? Comment nous équiperons-nous ? Comment fonctionnera l'économie ? On verra bien ?
Autant j'admire le courage d'Arnaud Montebourg dans sa lutte contre les membres corrompus du PS, autant son programme me navre.
Manuel Valls
Je ne vous le cache pas, Manuel Valls est mon chouchou à gauche. Je ne suis pas d'accord avec toutes ses idées, bien sûr, mais j'aime sa façon de ne pas prendre les électeurs pour des imbéciles. Il le dit : les années à venir vont être dures, on ne peut pas promettre tout et n'importe quoi, l'effort devra être collectif et durable pour qu'on sorte de ces années de crise.
Face à Montebourg et sa démondialisation fantaisiste, Baylet et son flou artistique, les éléphants et leurs pauvres propositions, Manuel Valls apparait comme un homme politique bien ancré dans la réalité. Je ne crois pas qu'il ait la moindre chance de remporter cette primaire, mais en 2017, il faudra compter avec lui, ça me parait évident.
Lors du débat, la première proposition de Manuel Valls est une pique destinée à Fillon : nommer un "vrai Premier ministre" et le respecter. Là, on sent que ses communicants lui ont recommandé de détendre l'atmosphère en commençant par une blagounette. Chaque couple Président/Premier ministre, comme n'importe quel couple, a sa propre façon de fonctionner. Giscard aimait humilier Chirac, Mitterrand aimait balader ses Premiers ministres, Chirac laissait la bride sur le cou aux siens, Sarkozy relègue Fillon en cuisine, Valls respectera son Premier ministre. Cela ne nous regarde pas tant que le gouvernement peut travailler.
Manuel Valls propose aussi de créer un ministère de la Production industrielle en soutien aux PME. Là, j'ai un peu de mal, il y a déjà un ministère de l'Industrie. Si c'est une réforme d'icelui, il faut le dire, sinon, je ne vois pas ce que l'on pourrait gagner avec un second ministère plus ou moins concurrent, ou, encore moins, à jeter l'ancien pour en créer un nouveau.
Puis, Manuel Valls met le feu aux poudres en soutenant l'idée de TVA sociale. Ce projet est un peu un serpent de mer en France. Perben l'a mis en place en 1994 à la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique avec un effet plutôt positif mais pas sensationnel. Sarkozy avait promis son expérimentation lorsqu'il était candidat et, depuis, l'idée ressort périodiquement.
La TVA sociale est cataloguée "idée de droite" et a provoqué le sectariste Montebourg qui a vivement réagi. Manuel Valls lui alors rappelé qu'il [Montebourg] n'avait pas « le monopole de la gauche ». La façade d'unité de la gauche était déjà plus que lézardée, elle s'est alors totalement effondrée pour révéler toute la différence entre les dinosaures et Manuel Valls.
Lorsqu'il évoque l'impériosité de la réduction de la dette, Valls rappelle qu'on ne peut programmer de dépenses supplémentaires sans réformer la justice fiscale. Cela ne semblait pas si évident aux autres candidats de cette primaire. Lorsqu'il évoque le sentiment d'insécurité ressenti par un grand nombre de Français, Manuel Valls renie le discours laxiste traditionnel de la gauche pour revenir dans la réalité.
TVA sociale, équilibre du budget, sécurité, Valls n'est que candidat et rien ne nous dit qu'il serait capable de tenir ses promesses, mais elles sont bien plus sages et réalistes que celles de ses adversaires. Il place la barre très haut pour le candidat de la droite, Sarkozy ou pas, qui ne pourra pas se contenter d'attaquer une gauche fantaisiste.
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Photos : Candidats aux primaires citoyennes